Elisabeth Mounsamy née Saminadin dite « Man Li » ou « Man Lilise » ou « Grand-mère »-1911-
Elisabeth Saminadin était une battante, une militante. Cette femme est née en 1911 sur l’habitation « Leteil » à Moule. Elle était la fille d’une mère indienne et d’un père métis (indien et blanc). Elle a fait sa scolarité dans sa ville natale (Le Moule), mais n’a pas pu suivre sa dernière année qui lui aurait permis, alors, d’être enseignante. En effet, ses parents qui avaient une famille nombreuse, l’ont gardé à la maison pour s’occuper des tâches du quotidien. Cette femme était une battante, elle était lettrée, fait rare pour les enfants de cultivateurs indiens.
C’est à « Leteil » qu’elle a passé ses années de jeunesse et qu’elle a rencontré son mari ; celui-ci faisait ses tournées à cheval sur les terres de l’usine de Gardel et c’est ainsi qu’à 16 ans, qu’elle s’est mariée à Jean Mounsamy. Son époux avait alors 19 ans et habitait à Boisvin.
Elisabeth et Jean Mounsamy eurent 11 enfants. Malheureusement, deux de leurs enfants sont décédés. Ils vécurent quelques temps près des parents de son mari, mais – le terrible cyclone de 1928 ayant détruit leur logement à Boisvin – assez vite, ils déménagèrent et vinrent habiter à « La cour des braves » sur les terres de son papa Jean SAMINADIN SINAPAYËL. Ils possédaient une maison de 4 pièces avec une cuisine fabriquée avec des gaules tapissée d’un mortier fait de tuf et de bouse de vaches, le toit étant en paille.
Elle travaillait dans son jardin et élevait des bœufs et des porcs ; son mari était chauffeur et absent une grande partie de la journée.
Par la suite, ils montèrent un petit commerce dont la clientèle venait de Port Land, Belle Mare, Leteil et bien entendu des sections environnantes. Parallèlement elle s’adonnait à ses activités agricoles (cannes, cultures diverses, élevage).
L’histoire d’Elisabeth Mounsamy, sa vie ont été marquées par sa vaillance. Veuve à 56 ans, elle a continué son activité professionnelle tout en se donnant comme priorité d’être toujours présente pour les plus jeunes de ses enfants. Cette femme, courageuse, s’est « saignée » pour envoyer ses enfants à l’école et, après la mort de son mari, elle a dû faire face – seule – aux frais d’études des plus jeunes. Elle n’avait pas beaucoup de moyens mais elle a tout mis en œuvre pour que ses enfants puissent avoir une situation meilleure que la sienne, disait-elle. Elle philosophait souvent sur son « sort malheureux » et espérait une vie plus agréable qu’elle n’a pas pu avoir.
Elle répétait aussi que « la vie est une boule », sage pensée qui symbolisait « les hauts et les bas » de l’existence. Elle aurait tant voulu que cela change pour elle mais elle se contentait de son sort et vivait en harmonie avec tous. Elle aimait la chanson de Marcel AMONTqui disait : « je suis si heureux, si heureux, si heureux …» . Etait-ce parce qu’elle n’avait pas cette chance ?
Elle aimait lire dans ses moments de pause et racontait souvent à ses enfants combien la vie était dure du temps du gouverneur SORIN ; Il y avait de l’argent disait-elle, mais pas de vivres ; les denrées alimentaires étaient rares et il existait un système de carte de rationnement.
Mais elle a toujours su se débrouiller pour nourrir ses enfants ; le système du troc a dépanné nombre de foyers ; par exemple, elle faisait abattre un cochon et son mari échangeait la viande contre des légumes, des racines, etc. Sur les « Grands Fonds ».
Elle s’est toujours attachée à faire progresser ses enfants : le week- end et pendant les vacances, elle leur donnait des dictées et des opérations arithmétiques qu’elle corrigeait -comme une maîtresse d’école (qu’elle n’a pas pu être) – en nous expliquant les fautes d’orthographe, les accords grammaticaux, ou les erreurs de calcul lorsque nous nous trompions. Mais sa soif de passer le savoir ne s’arrêtait pas à nous ; elle faisait travailler également les enfants du voisinage. Etait-ce une vocation?
Elle se définissait comme une Zindienne. Elle parlait créole, et son expression préférée était Censé dit (signifiant c’est-à-dire). Sa culture indienne était essentielle dans sa vie tant par l’usage des plantes, par l’emploi d’une expression ou de mots, que dans sa foi et dans sa cuisine. Elle employait des mots d’origine indienne, tel que le terme Coolie. Elle aimait répéter l’expression Happe Cho Seille (Happe représente la louche, Cho témoigne d’une grande quantité, Seille renvoie au seau).
Elle était une fervente catholique ; mais elle a aussi pratiqué la religion hindou ; elle a eu l’occasion de faire un « maliémin » et un « pavillon », mais elle n’avait pas les moyens financiers pour organiser ce genre de manifestations, aussi souvent qu’elle les aurait souhaitées ; Toutefois elle était toujours présente pour les parents ou voisins qui lui demandait de l’aide lors de leurs cérémonies. Par ailleurs, elle n’a jamais mangé la viande de bœuf depuis son enfance (question de religion ou autre) ? Elle pratiquait les rites et les traditions enseignés et légués par ses parents. Elle aimait cuisiner le Mounoukilai (connu sous les appellations sajan ou morenga), l’avelka et le parka (paroka). Souvent dans sa cuisine, elle faisait des choka, des woulka et du calalou. Elle cuisinait beaucoup les produits de son jardin, préparait son massalè (voir photo) et faisait des délicieux « lotis à pouli » ou « lotis a si tawa » (lotis secs). Et, comme toute femme indienne, confectionnait des mets à base de calaou, de paroka, de moulounkilè, etc …. Ses enfants appréciaient beaucoup son woulka et ses colombos.
Femme active, veuve à 56 ans, madame Mounsamy Elisabeth a été une femme travailleuse, battante et courageuse. Elle a œuvré pour accompagner de son mieux neuf de ses enfants, leurs offrir de l’amour, une présence et un repère dans son foyer. Madame Mounsamy était commerçante, elle tenait une épicerie. C’était une épouse, une mère attentionnée et attentive. Elle avait l’énergie pour s’occuper de sa famille tout en se levant chaque matin pour se rendre à son travail. Elle réussissait à élever ses enfants seule tout en ayant un emploi qui nécessitait beaucoup de temps. Elle a géré son foyer comme un Potomitan. Elle a eu la chance de connaitre ses petits-enfants. L’éducation de ses enfants occupaient une place primordiale à ses yeux tout comme son travail. C’était une mère active et une femme instruite. Cette femme shakti a été un Potomitan pour sa famille. C’était un poteau central, un pilier pour les siens, tant par son écoute que par son soutien. Tous prenaient appui sur elle peu importe la situation rencontrée. Elle avait déjà un certain âge quand elle a cessé ses activités. Elle a vu ses enfants voler de leurs propres ailes et a vu grandir ses petits enfants qui l’aimaient tant. Man Li ou Manman Lilise ou grand-mère s’est éteinte à l’âge de 83 ans des suites d’un problème cardiaque.
Portrait n°15 par Minakshi Carien
D’après le témoignage de sa petite-fille Mylène Golabkan
Résident à Le Moule en Guadeloupe.



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Minakshi Carien (26 janvier 2023). Elisabeth Mounsamy née Saminadin dite « Man Li » ou « Man Lilise » ou « Grand-mère »-1911-. Projet çak. Consulté le 11 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/t1aj