Septime Hélène Mardivirin née Soukaï -1925-

Septime Hélène Soukaï est née en 1925 à Petit-Canal. Son époux s’appelait Marc Maurice Mardivirin. Ils ont formé un couple fort de plus de 60 ans de mariage et eurent ensemble quatorze enfants. Malheureusement quatre de leurs enfants sont décédés dont 2 morts-nés. Ils ont élevé leurs dix enfants qui vécurent au-delà de quatre ans et en élevèrent 2 autres, une nièce orpheline et un petit voisin.

Du côté de sa personnalité, c’était véritablement une main de fer dans un gant de velours. Elle était forte, stricte et aussi d’une grande douceur, surtout avec ses petits et arrières petits-enfants. C’était une femme généreuse et combative. Orpheline de mère à l’âge de 2 ans, elle a vécu les premières années de sa vie durant le « temps Sorin ». Elle fût élevée par son père Bidjaï, pour qui elle avait une grande tendresse et un profond respect. Son éducation fut partagée avec une « commère » de sa défunte mère, qui lui avait promis à sa mort de prendre soin de ses enfants. Elle la considérait comme une belle-mère et était reconnaissante de sa « tann’ (tante)Fifi ». Elle n’eut pas la chance d’être scolarisée comme ses frères ainés, ce qu’elle a toujours regretté et perçu comme un handicap.

Septime Hélène Mardivirin était une femme rigoureuse, notamment sur le respect des traditions. Elle avait à cœur de préserver et de transmettre ce qui lui avait été légué par les anciens en particulier les traditions de la famille Soukaï, héritage de sa « nanni » (grand-mère) » Afjal et de son père Bidjaï. Son père était « vatialou » (officiant dans les cérémonies indiennes). Elle était pleinement dévouée à sa culture et à sa famille. Toujours placée aux côtés de son époux, elle l’assistait. Elle était une gardienne de l’héritage cultuel et culturel familial. Sa culture indienne avait une place centrale dans sa vie. Elle était garante du dogme cultuel de la famille, à savoir le culte de la déesse « Kalimaï » (la mère Kali). Madame Mardivirin était hindouiste. L’éducation était primordiale à ses yeux. Elle était exigeante avec elle-même et avec ses enfants. C’était important pour elle de partager ses connaissances, de former sa descendance aux savoirs-faire ancestraux, notamment la cuisine et la perpétuation des traditions. Elle attachait une grande importance à donner à sa descendance des repères et des valeurs solides, qui lui survivraient.

C’était aussi une excellente cuisinière. Elle avait les épices imprégnées dans le creux des mains. D’un rien, elle faisait un repas gargantuesque et s’il y en avait pour un, il y en avait pour dix. Elle connaissait les plats préférés des membres de la famille et sa satisfaction était de les observer se régaler, en leurs demandant leur appréciation sur son plat. Sa cuisine était marquée par ses origines indiennes. Elle préparait le Colombo, du « Woulka » ou « T’chatanni » (légumes crus épicés ou curry de légume), du « Tchoka » (légumes cuits puis tachis avec des épices revenues dans de l’huile), « Palsad » (mélange de fruit, de morceau de loti, de sucre), « Kanji » (eau de riz épicée), « Vadé » ou “Bali” (beignet salé fait à base de lentille ou de pois vert), « Panialon » ou “Goulgoula” (beignet sucré fait à base d’eau, de bicarbonate de soude, de sucre et de farine), « Loti » (galette fait à base de farine), «Pouli » (galette faite à base de farine dont l’intérieur est fourré avec un mélange de pois canne et de “Masalé“), crème blanche.

Madame Mardivirin avait une grande connaissance des plantes, de leurs vertus et de leurs dosages. Elle utilisait énormément de plantes d’origine indienne telles que le “Sajann” (moulinkilè), les pois sènm (avelka), le bilimbi, les “zèb a fè“, les pawoka, le pikanga, le tchitchila, la mangue et bien d’autres encore. Elle conservait également énormément de mots d’origine indienne et notamment en langue Hindi (Nanni, Appa, Anman, Malaba, kalkata, tchatanni, sajann, talbouj, sèy, etc). Elle avait un savoir infini notamment sur les plantes médicinales et préparait toujours un thé pour tous les maux des hommes et de ses animaux.

Après sa famille et sa culture, c’était son travail qui occupait un pilier de sa vie. Elle était agricultrice de profession et prenait plaisir à s’occuper de son jardin, de son verger et de ses animaux, pour être autonome, partager et nourrir sa famille. Son rapport à la terre et l’amour qu’elle lui portait était inspirée des valeurs reçues de son père et de ses croyances dans ses divinités hindoues. Sa petite-fille l’a connue et nous la raconte ainsi : « Mémé, comme je l’appelais se définissait comme « on zindienne », elle disait qu’elle était une « Kalkata » (calcata, originaire de la région de Calcutta). Elle parlait le créole et comprenait le français. Lors de nos grandes discussions, elle me sortaient ses expressions préférées comme « prémyé mari aw sé powt’ moné aw» (ton premier mari, c’est ton porte-monnaie). Cette expression témoignait de sa sagesse et de son expérience de la vie. Elle avait conscience que l’indépendance d’une femme passait par le travail et la rémunération qu’elle en tirait. Ainsi, elle n’attendait sur personne pour se réaliser. L’autre expression, qu’elle affectionnait, était « foué konn aw fon an tè » (tu dois plonger tes cornes profondément dans la terre), ce qui renvoyait au « travail » qui était une valeur importante, sinon essentielle de réussite dans sa vie. »

Madame Mardivirin était véritablement un pilier et une source de force pour ses enfants et petits-enfants. Les mots qui qualifierait le mieux sa vie sont courage et générosité. Elle s’est éteinte entourée de sa famille, en 2006 à Petit-Canal.

Cette femme shakti a été une battante, une militante discrète. Toute sa vie durant, elle a œuvré pour le maintien des valeurs et a transmis l’héritage ancestral d’origine indienne en Guadeloupe à sa descendance et à son voisinage.

Portrait n°45 par Minakshi Carien

D’après le témoignage de sa petite-fille Odile Maxo-Mardivirin

Résident à Petit-Canal en Guadeloupe.

Anonyme, Portrait de Septime Hélène Mardivirin âgée de 40 ans environ, Photographie d’identité, année et date inconnue, Reproduction numérique © Odile Maxo-Mardivirin.

Anonyme, Portrait de Septime Hélène Mardivirin âgée de 60 ans environ, Photographie d’identité, année et date inconnue, Reproduction numérique © Odile Maxo-Mardivirin.

Anonyme, Portrait de Septime Hélène Mardivirin âgée de 75 ans, Photographie d’identité, année et date inconnue, Reproduction numérique © Odile Maxo-Mardivirin.



Citer ce billet
Minakshi Carien (2023, 21 mars). Septime Hélène Mardivirin née Soukaï -1925-. Projet çak. Consulté le 29 mars 2024, à l’adresse https://doi.org/10.58079/t1bh

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